
Visite de l’exposition
Salut la Compagnie!
Pour cette dernière visite de l’année, rendez-vous a été pris avec Chloé Bodart à la Galerie d’architecture dans le cadre de l’exposition « Salut la Compagnie ! ».
Chloé Bodart et Jules Eymard, les deux associés de Compagnie architecture et leur équipe ont investi les lieux avec le souhait d’y recevoir le public, les professionnels et tous leurs invités comme dans leur agence ou comme dans leurs permanences de chantier qui sont de vraies bases de vie, conçues pour « habiter les chantiers ».
Habiter la galerie, carrément, en y installant la table basse (une caisse de transport), les chaises de l’agence, un tapis chipé au fils, une machine à café et en organisant des permanences, des tables rondes et des performances.
Aux murs, les photos de projets, les dessins, les « trésors », autant de petites scénographies qui recomposent le fouillis précieux d’un lieu de création et non d’exposition. Masquer le blanc pur, apposer des supports offset Bleu CYAN de récupération, habiller le lieu.
Au centre, les belles et grandes maquettes, retirées le temps de l’exposition des chantiers où elles servent de supports de réflexions et d’échanges tout au long des travaux.
Chloé Bodart a travaillé avec Patrick Bouchain pendant 15 ans, d’abord pendant ses études à Paris Belleville puis en intégrant l’agence Construire jusqu’en 2014 où elle a œuvré sur de nombreux projets culturels jusqu’à son déménagement à Bordeaux, l’association avec Jules Eymard et la création de Compagnie architecture. 15 personnes y travaillent sur des projets culturels ou scolaires essentiellement et à 80% pour du public.
Visite du 3 décembre 2025, avec tous nos remerciements à Chloé Bodart.

COMPTE-RENDU
Adresse
Galerie d'architecture
11 rue des Blancs Manteaux
75004 Paris
Galerie d'architecture
15.11. 2025-13.12. 2025
Compagnie architecture
88 rue Lecoq
33000 Bordeaux
Compagnie architecture
Les maquettes :
À l’échelle 1/50ème.
Elles sont d’une folle présence dans cet espace, on tourne autour, tantôt oiseau, tantôt souris en se penchant un peu (voire beaucoup). Ou encore enfant, tant l’image d’un monde miniature est propice à l’imaginaire, tout comme cette échelle d’ailleurs, suffisamment grande pour s’y repérer et pas assez pour y apporter les détails du « réel ». Le cinquantième, ni plus ni moins, sert à concevoir, dessiner, réaliser les maquettes et échanger avec les entreprises.
On pourrait dire que c’est l’ADN de l’agence, un temps long d’exécution, un investissement tout personnel auquel Chloé Bodart ne souhaite pas déroger, ce n’est pas une option !
Les mots :
Si importants qu’ils ont servi de support à un travail introspectif sur le fonctionnement de l’agence, dans le cadre d’une recherche-action menée avec Emmanuelle Borne, autrice et journaliste. Restituée en cartes abécédaires et en un lexique imagé aux couleurs pop (illustrations de Simon Roussin) qui transpose les différentes actions et moments fort de l’agence. Un clin d’œil à notre imaginaire encore une fois, d’autant plus agréable qu’il nous invite à échapper à la grisaille et morne froideur des rues parisiennes en ce début de mois de décembre. Les mots balises et leurs définitions nous éclairent sur les pratiques de l’agence.
Les projets :
La plus grande maquette (3 mètres de long !) est celle d’une école à Pessac, près de Bordeaux, qui vient d’être livrée. Plusieurs bâtiments, des plantations dans les cours et même un petit bois ! qui nous donne une impression de village et d’une grande fluidité. Et pourtant, il s’agissait de réhabiliter des bâtiments existants énergivores et d'en créer d'autres, tout cela en site habité, soit 700 élèves et le corps enseignant, un défi.
Pendant 2 ans, l’équipe de Compagnie architecture a habité le chantier dans le premier bâtiment construit, au milieu du site. Cette bâtisse, destinée à être la bibliothèque, a permis aux équipes du chantier de s’y retrouver, d’y travailler, d’y partager des repas et café chaud, mais aussi d’y recevoir les élèves et leurs enseignants, les édiles et les parents qui ont pu être informés, suivre l’avancement du chantier, comprendre et finir par s’approprier le projet (sans doute), toujours autour de la maquette, support de tous les échanges. Un objet « mascotte » quasiment.
L’école Frida Kahlo à Bruges, quant à elle, coche toutes les cases bioclimatiques, il y fait si bon l’été (grâce aux puits climatiques) que tous les périscolaires de la ville s’y retrouvent.
C’est une école innovante comme demandé au programme, à haute performance énergétique et bas carbone E462. 5 grandes maisons, dites maisons d’apprentissage, à l’échelle des enfants, s’organisent autour des espaces extérieurs largement plantés, avec des circulations qui limitent les couloirs intérieurs, des espaces mutualisés, une serre, un compost et des copeaux… De la matière, du vivant.
Les bâtiments sont aussi conçus pour pouvoir être réversibles, logements et bureaux et pourquoi pas EHPAD, avec la possibilité de les surélever. Preuve à l'appui, un module en maquette s’y pose en douceur...
D’une manière générale, la mutualisation des écoles avec la ville n’est pas évidente, la protection des enfants est un argument récurrent. Néanmoins, certaines salles peuvent être traitées indépendamment avec un accès du public différencié. La zone de dépose minute de l’école Frida Kahlo qui, comme son nom l’indique, est fort peu occupée, devient grâce à des plots relevables en journée, une piste de course et jeux de ballons dans le demi-tour pompiers…
Il n’y a pas que les bâtiments que Compagnie architecture habite.
Dans le cadre de ses études urbanistiques, des permanences sont créées dans les sites, il s’agit « d’habiter le territoire ». Comme en centre-bourg de Bassens (la place du marché), pour y rencontrer les citoyens et citoyennes, recueillir leurs mots, « la parole habitante ». Cette permanence se tient à raison d’une semaine par mois pendant 6 mois, avec la participation de l’agence nationale de psychanalyse urbaine, d’autres associations locales, et surtout en y intégrant des résidences artistiques et architecturales, la Compagnie de Théâtre Mycélium dans le cas présent.
Chloé Bodart est convaincue que l’urbanisme culturel est un vecteur de cohésion sociale, de dialogue, intimement lié aux projets urbains et au projet architectural proprement dit. Elle l’a même proposé (et défendu) au Sénat sous forme de proposition de Loi pour intégrer cette clause dans les programmes.
Le projet Krakatoa (extension et réhabilitation d’une salle de concert) est devenu un « chantier culturel », accueillant, avant même d’être livré, des concerts et autres soirées festives. La vocation du lieu est ainsi omniprésente et comme le décor d’un chantier en cours est toujours étonnant (et inspirant), le partager avec les artistes et le public est une réussite.
Car Compagnie architecture n’hésite pas à prendre des initiatives, elle nous initie à d’autres perceptions du métier d’architecte et urbaniste, extrêmement vivantes. Convaincue, et convaincante (s’il le fallait encore), Chloé Baudart milite l’architecture. Ce faisant Compagnie comme ils s’appellent eux-mêmes prend des risques, jusqu’à perdre des concours, et observe que certains préceptes novateurs pourtant plébiscités et salués (le projet Frida Kahlo est Lauréat 10+1 D’A 2023 ; Nominé Trophées Séquences Bois 2023 ; Nominé Construmat Awards 2024 – Sustainability) ne seront déjà plus reproductibles (circuler par l’extérieur dans une école entre autres).
Ce « désaxement », un de leurs mots balises, accompagne toutes les études car chaque programme est repensé, réfléchi au prisme des convictions de l’équipe, quitte à faire un pas de côté, ou, plus sagement, apporter un petit plus.
Crédits photos © Denis Humbert © archinov










